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La photo ne fait plus vendre les journaux ?
Mon oeil !



Depuis quelques mois, chaque fois que l'on parle photograhie, on nous rabat : presse, pour affirmer dans un même élan : la photographie ne fait plus vendre les journaux !

Une fois dit que la photographie de presse représente à peine 10 % de l'effectif des photographes professionnels, il faut prendre le temps de regarder cette affirmation en face.

Tout le monde connait la bien belle histoire du roi nu. Un habile couturier réussit à faire croire à la cour que les étoffes dont il vêtait sa majesté étaient d'une telle subtilité que seuls les esprits supérieurs pouvaient les voir. Jusqu'à ce qu'un enfant s'écrit : mais le roi est nu !

Que répondrait un enfant à qui l'on dirait : la photo ne fait plus vendre les journaux ?
- Alors, pourquoi y a-t-il tant de photos dans les journaux ?

La presse papier est un mammouth blessé. Au cours du siècle précédent, elle a survécu non sans mal à l'émergence de la radio puis de la télévision. Et la voici, à présent, confrontée à internet. Il n’y a pas lieu de s’en réjouir. Mais il convient d’en être conscient.

La "dématérialisation" de l 'information (entendons la fin du papier) est-elle inexorable ? Cette dématérialisation conduit à un changement considérable d’échelle économique. Le papier, ça pèse en tonnes et en euros. Moins ça pèse en tonnes et moins ça rapporte en euros. La blessure du mammouth se mesure à l'inclinaison de ses marges bénéficiaires. Et que dire lorsqu’arrive le temps de vivre sous perfusion ?

Se pose donc une question cruciale : vers quel côté le public  va-t-il évoluer ?

Les avantages et inconvénients respectifs du papier et de l'écran sont largement scrutés. Dans ce cadre, il est bien évident que la photo tire le public vers l'écran qui n'a aucune contrainte de place par rapport au papier.

Pour avoir été membre de la rédaction en chef d'un hebdomadaire dans les années 1980, j'ai pu ressentir la frustration de ne pouvoir publier que trois ou quatre photos d'un reportage qui pouvait en compter des dizaines d'excellentes. Nous n'étions plus en 1958, quand Paris-Match consacrait plusieurs numéros spéciaux au reportage de Henri Cartier-Bresson, en Chine.

Ce n'est pas la photo qui ne fait plus vendre les journaux mais, hélas, plutôt la presse qui n’a plus les moyens de se promouvoir en utilisant la photographie de façon dynamique et créative.

Ce n’est pas une raison pour laisser se démembrer la profession de photojournaliste.

Car sous la question de l’évolution des modes de diffusion de l’information, une autre question pointe son nez : les opérateurs de la presse papier sauront-ils s'adapter ou verrons-nous apparaitre de nouveaux opérateurs pour l’information ?

Internet nous a habitué à voir émerger des voltigeurs, diablement imaginatifs bien que souvent dénués de scrupules, bouleversant en quelques années, quand de n’est pas en quelques mois, des équilibres encore solides.

Les opérateurs actuels n’ont pas intérêt à offrir sur un plateau les décombres d’une profession dont les petits nouveaux feraient profit à vil prix. Avec mes camarades de l’UPP, nous sommes preneurs de discussion avec les représentants de la presse pour éviter que le pire devienne réalité.

Probablement dans moins de cinq ans on comptera les morts. La photographie, quant à elle, aura pris des gnons, mais elle sera toujours vivante.

Parce qu'elle est indipensable à une information moderne.


Juin 2013